Théophile-Malo de La Tour d’Auvergne-Corret

23 novembre 1743 Carhaix (Finistère)- 27 juin 1800, Oberhausen (Bavière)
« Premier Grenadier des Armées de la République »

 

File:Théophile Corret de la Tour d'Auvergne (1743-1800)Né dans le centre Bretagne, Théophile-Malo fait son instruction au sein du Collège des jésuites de Quimper. Sa mère espérait pour lui une carrière de dignitaire de l’Église, son père voulait qu’il soit avocat. Il choisit l’Armée, et entre comme soldat dans la deuxième compagnie des mousquetaires du Roi. Prétendant descendre d’un fils naturel de Turenne, il ajouta à son nom celui de La Tour d’Auvergne en 1777 en vue de pouvoir devenir officier, après avoir obtenu d’un descendant du duc de Bouillon un courrier attestant d’une souche commune.

            Enthousiasmé par la Révolution, comme nombre de militaires issus de la « petite bourgeoisie » de l’époque, il rallie immédiatement les armées de la République et est promu capitaine de grenadiers en 1792. Engagé dans le 46e régiment d’infanterie, il commande les compagnies de grenadiers formant l’avant-garde, et devient rapidement le modèle du citoyen-soldat. Ce qui lui vaudra d’être qualifié par Lazare Carnot, ministre de la guerre et « organisateur de la victoire », de «  plus brave parmi les braves ». La tour d’Auvergne cumulant à son savoir-faire militaire une grande érudition, ses avis étaient sollicités à tous les conseils de guerre.

            Après avoir quitté l’Armée pour raison de santé liées à son âge, il embarque à Bordeaux en 1794 pour rentrer en Bretagne. Son navire s’échoue au large de Camaret. Il est fait prisonnier par une escadre britannique. Alors que le commandant anglais veut le forcer à retirer sa cocarde, il la passe à son épée jusqu’à la garde, et se déclare prêt à périr en la défendant. Le commandant, désireux d’humilier un officier français imprégné du principe d’Egalité, l’appela alors « Monsieur le chevalier », à quoi La Tour d’Auvergne répondit « Appelez-moi citoyen ! Je n’ai jamais été aussi fier de ce titre que depuis que je suis en votre compagnie ». Il se consacre durant sa captivité à l’écriture d’un dictionnaire français-« celtique ».

            Libéré en 1794, il apprend à Paris qu’un ami octogénaire vient d’être séparé par la réquisition de son seul fils encore en vie, et obtient du Directoire de remplacer le jeune conscrit, en tant que simple soldat. Elu membre du Corps législatif après le 18 brumaire, il refuse de siéger : « Je ne sais pas faire des lois, je sais seulement les défendre, envoyez-moi aux armées ».

            Toute sa vie il refusa les promotions et les rentes les accompagnaient. Napoléon n’en décida pas moins unilatéralement de lui attribuer le titre de « premier grenadier des armées de la République ». Surpris, le vieux soldat déclara alors : « il n’y a pas de premier et de dernier chez les grenadiers, tous font leur devoir. Je repousse cette qualification et j’accepterai le sabre d’honneur, à condition qu’il soit le plus simple possible et sans le moindre ornement ». Carnot lui remit son sabre le 15 mai 1800. Et, malgré sa réticence et son refus obstiné des honneurs, La Tour d’Auvergne restera dans l’histoire le Premier grenadier.

            Il meurt le 27 juin 1800 à Oberhausen, en Bavière, touché au cœur par un coup de lance alors que la 46e demi-brigade de l’armée du Rhin est assaillie par la cavalerie autrichienne. Il devient alors un mythe. Toute l’armée regretta ce modèle de dévouement et de désintéressement. Sur instructions du 1er Consul, son cœur embaumé fut précieusement conservé par sa compagnie sur les champs de bataille et, fait unique dans l’histoire de l’Armée française, son nom continua de figurer à l’appel de son régiment. A l’évocation de La Tour d’Auvergne, le plus ancien sergent répondait : «  Mort au champ d’honneur ». Cette pratique prit fin en 1809 sur injonction de Napoléon devenu empereur et n’appréciant guère les chants qui évoquaient La Tour d’Auvergne comme étant le « dernier républicain de l’Armée »… Il n’en est pas moins cité sur la 18e colonne de l’Arc de Triomphe.

            Modèle du soldat républicain, c’est sous la Troisième République que son culte atteint son apogée. L’appel de son nom au sein du 46e régiment reprend en 1871. Le 4 août 1889, lors des cérémonies du centenaire de la Révolution, sa dépouille est déposée au Panthéon. A Carhaix, en 1900, les fêtes du centenaire de son décès durèrent quatre jours en présence d’une foule énorme. Et en 1904, l’urne d’argent renfermant son cœur est remise aux Invalides. Même son sabre connut une postérité glorieuse puisque, au terme de multiples péripéties, il fut transmis au révolutionnaire italien Garibaldi !

            Avec les effets du temps et la méfiance instaurée envers le modèle du soldat-citoyen, ce culte est tombé en désuétude. Seule une « Fête de la Tour d’Auvergne », folklorisée et de plus en plus modeste, est toujours organisée à Carhaix, sa ville natale. Nous n’en avons pas moins souhaité remémorer la figure de La tour d’Auvergne, ne serait-ce que pour rappeler que sans ces soldats des Armées de la Première République se vivant d’abord comme des citoyens mêmes lorsqu’il avait fait des armes leur métier, la Révolution aurait été écrasée par les coalitions contre-révolutionnaires.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *