Galileo : un GPS européen… compatible avec les USA

Parlement européen – Session plénière du 18 au 21 novembre 2013
Rapport: Marian-Jean Marinescu (PPE) (A7-0321/2013) Législatif 1ère lecture

Vote de Jean-Luc Mélenchon : abstention

Explication de vote
De quoi parle-t-on ? Ce texte porte sur la mise en place d’un système de positionnement et de radionavigation basé sur la mise sur orbite de satellites et sur l’implantation de radiobalises terrestres (système correctif pour une meilleure précision du calcul de positionnement) sur le territoire européen (programmes Galileo et EGNOS). Ce système dont l’exploitation devrait progressivement débuter en 2014, devrait être pleinement opérationnel en 2020. Il doit apporter une solution indépendante des systèmes étasunien (GPS), russe (GLONASS), chinois (Beidou puis Compass). L’Inde (IRNSS) et le Japon (QZSS) ont également leur propres projets régionaux. Le système de correction EGNOS a ses équivalences en Amérique du Nord (WASS) et au Japon (MSAS). EGNOS comptera plusieurs satellites géostationnaires et une quarantaine de stations terrestres dont une des cinq principales se situe à la Réunion. L’extension du système EGNOS est envisageable à d’autres régions du monde (territoires des pays candidats, pays tiers où s’étend le ciel européen et pays concernés par la politique de voisinage de l’Union).Initialement prévu pour être opérationnel en 2008, le projet a pris du retard. La gestion de Galileo devait d’abord se faire sur la base d’un partenariat public privé avec deux consortium. Ce système a été annulé par la Commission et les États membres en 2007. C’est l’Union européenne par le biais de l’Agence du GNSS européen (ou GSA) qui est en charge du déploiement opérationnel du programme via des appels d’offre. À la surprise générale, la fabrication de 22 satellites a été attribué à OHB-System, « petite » (vu la taille du projet) entreprise allemande de 2500 salariés au détriment des deux grands EADS Astrium et Thalès Alenia Space qui doivent aujourd’hui venir à la rescousse d’OHB (lire La Tribune ou La dépêche et les réactions de la CGC-CFE et de la député UDI Christine de Veyrac).
Les États-Unis ont également retardé la mise en place de la solution européenne par des actions de lobbying. Les États-Unis ont finalement accepté Galileo qui sera interopérable avec le GPS depuis un accord signé en 2004.Depuis 2008, le financement est entièrement public (3,405 Mds € pour les coûts d’exploitation de 2007 à 2013). Pour la période de 2014 à 2020, le budget explose et le rapport prévoit maintenant un peu plus de 7 Mds € courants (initialement 7,897 Mds €). Un budget de 100 M€ est affecté pour la mise au point des jeux de composants et des récepteurs compatibles avec Galileo.
Éléments positifs
  • Les systèmes de positionnement et d’aide à la navigation basés sur des systèmes satellitaires et des radiobalises terrestres sont devenus des outils indispensables pour un grand nombre de secteurs de la vie économique, pour la sécurité des biens et des personnes et pour la Défense Nationale. L’usage militaire n’est cependant pas acquis car il s’agit d’un système civil sous contrôle strictement civil (contrairement aux autres systèmes qui sont sous contrôle militaire).
  • Le système prévoit depuis 2004 d’être interopérable avec le système GPS, « sans porter atteinte à l’objectif d’autonomie stratégique des systèmes ». Les récepteurs GPS actuellement en service devraient donc être compatible avec Galileo et n’auront donc pas besoin d’être remplacés. C’est positif d’un point de vue économique et écologique.
  • Le rapport reprend (point 20, page 22) la demande du Parlement européen du 8 juin 2011 de maîtriser les coûts et retards du projet. Ce point prend tout son sens avec le retard récent d’OHB.
  • Le rapport évoque l’adaptation progressive de la gouvernance aux besoins de l’exploitation des systèmes.
Éléments négatifs
  • Le rapport ne remet pas en cause la gouvernance du programme Galileo. Or la nature stratégique de ce programme imposerait que la gouvernance de ce programme soit sous un contrôle démocratique plus strict et étendu. La gouvernance est actuellement assurée par la Commission Européenne, l’Agence Spatiale Européenne et l’Agence du GNSS européen, sous la responsabilité générale de la Commission. Or la gouvernance de chacune de ces composantes n’est pas réellement démocratique puisqu’elles sont presque exclusivement composées de représentants nommés. Par exemple, l’Agence du GNSS européen dont la mission est définie chaque année par la Commission, son conseil d’administration est composé de représentants nommés : un représentant nommé par chaque État membre, de cinq représentants nommés par la Commission et d’un représentant sans droit de vote du parlement européen. Du plus, au lieu de restreindre son champ d’activité (Règlement (UE) no 912/2010), le rapport de subordination devrait être rééquilibré entre la Commission, en qualité de gestionnaire des fonds, au profit de la GSA de part sa mission stratégique dans la définition du champ d’application du GNSS européen.
  • Une fois le programme Horizon 2020 lancé, le parlement européen et le Conseil, présents dans le Comité interinstitutionnel Galileo, sont juste informés du suivi du programme et ont en fait très peu de contrôle sur son orientation et son déroulement.
  • Le rapport souligne les bénéfices d’un système de radionavigation dans de nombreux secteurs publics et privé mais il précise que cette infrastructure est « spécifiquement conçue à des fins civiles ». Il exclut tout usage militaire (seule « la gestion des crises ou encore la gestion des frontières » sont mentionnées). Pourtant le rapport Gahler sur la base industrielle et technologique de défense européenne (A7-0358/2013) affirme que les projets Galileo et EGNOS représentent « une opportunité pour développer un composant critique de la base industrielle et technologique de la défense européenne ». Il est regrettable que l’UE ne se donne pas les moyens par le programme Galileo de se détacher clairement du projet de Smart Defense de l’OTAN et de sa soumission aux intérêts des États-Unis. Cela déséquilibre la cohérence de la souveraineté et de l’autonomie de l’UE pourtant affirmées dans le rapport.
  • Le rapport ne mentionne pas l’utilisation du lanceur européen. Il se limite à considérer la sécurité des installations au sol. Pour réduire les coûts, les lanceurs russes Soyouz ont été préférés à la fusée Ariane pour la mise sur orbite des deux premiers satellites. Tous les aspects ont-ils été pris en compte dans cette évaluation ? Quid de l’indépendance et de la pérennité de l’industrie spatiale européenne dans ce projet dont l’Agence spatiale européenne est pourtant coresponsable avec l’UE ? Au delà de la « simple » prestation de service que permet le Centre spatial guyanais à laquelle l’UE semble vouloir se limiter, notre industrie made in UE toujours à la pointe devrait être soutenue face à la montée des programmes concurrents privés américains largement soutenus par le gouvernement US, et des programmes russes et chinois. Là encore figure une incohérence où pourtant les maîtres-mots qui ont initiés ce projet sont indépendance et souveraineté de l’UE.
Vote Abstention
Explication de vote Pour assurer l’indépendance et la souveraineté de l’Union européenne face notamment aux États-unis, il est important que l’UE se dote d’un système de radionavigation par satellite qui lui soit propre et les programmes Galileo et EGNOS vont dans le bon sens en assurant une meilleure continuité du service. Malheureusement, ce rapport ne définit pas de façon satisfaisante un contrôle démocratique de ce programme et il en limite même son champ d’application. Pour une complète cohésion du projet, il ne devrait pas se réduire à une simple indépendance technique mais devrait s’inscrire dans une stratégie politique plus globale et dans un programme de défense européenne détaché de l’OTAN, dimension exclue du rapport qui se limite à une définition spécifiquement civile de la solution. Je m’ abstiens donc pour dénoncer ce manque d’ambition.

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