Hervé Guillou : « Il faut donner un coup d’accélérateur au développement international »

Hervé GuillouType : Interview

Titre : Hervé Guillou : « Il faut donner un coup d’accélérateur au développement international »

Auteur : Vincent Groizeleau, ©Mer et Marine

Date : 03.09.2014

Lien : www.meretmarine.com/fr/content/herve-guillou-il-faut-donner-un-coup-daccelerateur-au-developpement-international

Mots-clés Barracuda, Cybersécurité, Connectivité, Drone, EADS Space & Transportation, Euronaval, GIAT, Gowind, Kership, MBDA, Piriou, Scorpène, Technicatome, Thalès
Résumé Après une courte présentation, Hervé Guillou, patron de DCNS depuis un mois, revient sur la situation de l’entreprise, la stratégie et les projets qu’il souhaite porter.
Analyse Le nouveau patron de DCNS, Hervé Guillou est un pur produit du néolibéralisme mondialisé passant de ministère à des entreprises en pleine mutation (en charge du changement de statut du GIAT à la DGA, Technicatome qui rejoint Areva où il est en charge de la propulsion nucléaire et des missiles balistiques [chers à la politique de défense des US et de l’OTAN]).
Dans cette même interview, il se contredit. Il mise sur les énergies marines renouvelables pour maintenir le plan de charge des sites français mais lâche à la fin que DCNS devra abandonner certaines de ses activités parmi celles des énergies marines.
Hervé Guillou semble totalement désabusé par l’absence de programmes d’ampleurs, aussi bien français qu’européens et est entièrement tourné vers les pays émergents. Il prépare la réduction de voilure de l’entreprise en France (amélioration de la compétitivité [y compris des sous-traitants], rencontres avec les partenaires sociaux) et s’adapte au manque de stratégie de l’État.
Il affirme même sans complexe ne pas faire le choix de l’export (ce ne sont pas les marchés gagnés à l’étranger qui donneront de l’activité en France) mais du « développement international », c’est à dire que les contrats gagnés à l’étranger permettront l’implantation locale dans d’autres pays, à l’instar de Thalès qui a fait le choix du « multidomestique ». D’ailleurs, il cultive un lien très fort et de partenariat avec le chantier Piriou (implantation historique à Concarneau) qui, dès 2001, a misé son développement avec l’implantation sur de nouveaux sites dans des pays à bas coûts (ingénierie en Pologne, chantiers au Nigeria et au Vietnam).
plus Hervé Guillou relève les qualités (richesse technologique et maîtrise technique de systèmes complexes) de DCNS, capable de concevoir et réaliser un porte-avions nucléaire, un SNLE et une frégate comme FREMM.

Succès à l’export : gammes Scorpène (sous-marin à propulsion classique) et Gowind (patrouilleur littoral et hauturier).

« …une société ne peut se développer que si elle maîtrise complètement son cœur de métier. La priorité est de maîtriser les grands programmes et assurer leur maîtrise technique et calendaire… »

S’adapter aux besoins des marines émergentes.

Hervé Guillou reconnaît qu’en Asie du sud-est le besoin est sur les bâtiments de surveillance hauturière. La future Frégate de taille intermédiaire (FTI) peut-être une réponse à ce marché.

Une standardisation avec des plateformes plus simples et modulaires doivent être pensée dès le bureau d’études pour mieux s’adapter aux changements de besoins.

Afin de moins se concurrencer à l’export, les liens stratégiques doivent être renforcés avec Thalès et MBDA et les petits chantiers. Faire preuve, comme les allemands, d’autodiscipline et moins demander à l’État d’arbitrer la répartition des parts de marché à l’international.

Hervé Guillou reconnaît que les transferts de technologie demandés dans les contrats à l’export ont un impact sur les plans de charge des sites français mais mise sur le développement des énergies marines pour pallier la baisse. « Les budgets européens de défense seront durablement contraints » et la poursuite des programmes FREMM et Barracuda validés par la LPM ne suffiront pas à eux seuls à maintenir un niveau d’activité suffisant.

« DCNS contribue à la souveraineté technologique de la France » dont la pérennité doit être assurée sur le long terme, d’autant plus que DCNS est un systémier et un intégrateur qui nécessite un champ de compétences extrêmement large (longue à acquérir et rapide à perdre). Dans le même temps, de nouveaux enjeux, comme la cybersécurité, la connectivité et les drones vont devoir être relevés.

Un renforcement de la coopération avec l’Arabie Saoudite dans le domaine naval est très attendu et devrait se concrétiser lors de l’Euronaval (fin octobre).

Avec la vente de STX (chantiers de Saint-Nazaire), Hervé Guillon veillera à ce que le nouvel acquéreur continue de respecter leurs accords et la qualité de leur coopération (STX réalise les grandes coques pour DCNS).

moins Hervé Guillou a débuté sa carrière à DCNS sur des projets et activités qui touchent au nucléaire. Il l’a poursuivi à la DGA où il a été en charge du changement de statut du GIAT.

Il est ensuite passé dans l’industrie, notamment chez Technicatome (propulsion nucléaire) et EADS Space & Transportation (missiles balistique) au moment où elles étaient en pleine évolution et confrontées à des problématiques de souveraineté.

Sa carrière est très marquée par l’international (3 ans à Londres, 7 ans à Munich, gestion de contrats en Arabie Saoudite, au Qatar, en Inde et au Brésil).

« Le groupe n’est pas assez international ». NLA : il devrait apprécier la position du gouvernement s’il venait à ne pas livrer le BPC à la Russie (ironie).

« Les activités de maintien en condition opérationnelle sont (…) un atout majeur ». C’est faire fi de la dépendance à la sous-traitance et aux exercices de l’OTAN.

Le patron de DCNS souhaite faire évoluer l’activité de l’entreprise de programmes nationaux vers une gamme de produits conformes aux attentes des marchés internationaux. Avec le changement de statuts de DCNS en 2003, est sous-jacent ici l’idée de perte de la stratégie nationale et prépare la réduction des budgets de défense (David Cameron au sommet des chefs d’État de l’OTAN a tout de même annoncé que 2 % du PIB – dont 20 % consacrés à l’équipement – seraient alloué à la Défense).

La division sous-marin a connu de mauvais résultats (programme Barracuda – patron de la division débarqué)

L’amélioration de la compétitivité va être poursuivie. Hervé Guillou enchaîne les rencontres avec les partenaires sociaux sur les différents sites du groupe. Le budget national s’effondre, obligé d’aller sur le marché international, les prix doivent s’aligner.

La compétitivité renforcée en interne devra s’étendre aux sous-traitants (exemple est pris sur STX).

Sans complexe, plutôt qu’« export », le patron de DCNS préfère l’expression « développement international », c’est-à-dire une présence à l’étranger. Les pays ont « une volonté de maîtriser la technologie » et de valoriser la supply chain. DCNS souhaite proposer « sur place des solutions d’ingénierie ». Clairement, H. Guillou affirme que les marchés conquis à l’étranger ne doivent plus soutenir une baisse de charge des arsenaux français. Exemple est pris sur Thalès « qui a pris le virage du multidomestique » (comprendre multiplication des implantations et des partenariats locaux).

Le partenariat avec Piriou au sein de Kership (55 % Piriou – 45 % DCNS) pour les offres de patrouilleurs « entrée de gamme » (faiblement armés, réalisés selon des standards civils) doit être renforcé.

DCNS va se repositionner et abandonner certaines de ses activités menées depuis cinq ans dans le domaine des énergies marines (hydrolien, énergie thermique des mers, houlomoteur et éolien flottant) et du nucléaire civil.

Un audit est en cours (jusqu’à mi-octobre) en vue de réorganiser les activités sous-marins et nucléaire. Un « budget 2015 crédible » sera élaboré d’ici janvier avant de s’attaquer « aux sujets stratégiques pour faire émerger un plan à moyen terme ».

Concernant la livraison des BPC aux russes, DCNS suivra les instructions de l’État.

La stratégie européenne en matière navale est au point mort et DCNS n’a aucune idée sur d’éventuelles opportunités.

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